"R", un film de prison moderne :
Si la représentation carcérale a été remise au goût du jour avec les plus ou moins récents succès de Prison Break et d'Un prophète, le film de prison est un genre spécifique très ancien, prenant son origine dans les années 1930 avec des titres incontournables comme The Big House (1930), Je suis un évadé (1932), Le Code criminel (1932) ou encore Le Révolté (1937). Dans les années 1940 jusqu'aux années 1970, les films de prison obéissent ainsi aux mêmes constantes, puisqu'il est souvent question d'un personnage qui va tenter de faire un "pied de nez" à la tyrannique institution pénitentiaire en cherchant à s'évader.
Les exemples appuyant ce schéma sont nombreux : on peut citer Les Démons de la liberté (1947), Les Révoltés de la cellule 11 (1954), Le Trou (1960), Luke la main froide (1967) ou encore L' Evadé d'Alcatraz (1979). Dans ces films, le héros est la plupart du temps à la fois viril et rebelle (Paul Newman dans Luke la main froide, Clint Eastwood dans L' Evadé d'Alcatraz, etc.), tandis que les membres de l'administration pénitentiaire apparaissent souvent comme des êtres cruels, abjects et avides de pouvoir (Hume Cronyn dans Les Démons de la liberté, Eddie Albert dans Plein la gueule, etc.).
Les choses sont bien différentes dans les représentations carcérales les plus récentes, puisque les thématiques de l'évasion, de l'arbitraire des matons et du héros sûr de lui sont des constantes qui tendent à perdre de leur importance. Les films de prison des années 1990, 2000 et 2010, centrés sur des prisonniers en guerre permanente les uns avec les autres, en sont révélateurs (Sans rémission, Les Princes de la ville, Slam, Un Seul deviendra invincible, Carandiru, Felon, Un prophète, etc.) : pour le héros effectuant ses premiers pas dans l'institution, la priorité n'est plus de s'évader mais de parvenir à survivre dans un univers régit par la loi du plus fort.
R appartient clairement à cette catégorie : pas de représentations stéréotypées de surveillants sadiques et de la joyeuse entraide entre détenus pour se "faire la malle". Dans le film de Tobias Lindholm et Michael Noer, l'accent est mis sur la violence du milieu carcéral, et plus particulièrement sur les rapports de force entre détenus. Les héros discrets de Délit d'innocence (1989), Zonzon (1998), Animal Factory (2000), Un prophète (2009) ou R témoignent de ce changement : ce ne sont plus des "gros durs" façon Steve McQueen dans Papillon (1973), mais des individus davantage vulnérables, propulsés dans un monde qui leur est (au départ) étranger, au sein duquel seul les "forts" ont une chance de survivre.