Ce projet s'est imposé à Philippe Van Leeuw, parce qu'il lui permettait de conserver et de transmettre la mémoire du génocide. "Depuis ma première confrontation avec les images des camps de concentration nazis, je cherche à savoir comment les victimes succombent à l'anéantissement de leur instinct de vie, comment les bourreaux parviennent à surmonter les barrières morales de la société, comment une population entière se rend complice d'une telle abomination, explique le réalisateur. La tragédie rwandaise m'a apporté une réponse à la troisième question, celle de la passivité des témoins. Ce que je ne parvenais pas à comprendre quand les contemporains de l'Holocauste disaient qu'ils n'étaient pas au courant, qu'ils n'avaient donc rien pu faire pour venir en aide aux Juifs d'Europe, je l'ai vécu en 1994."
Inspiré d'une histoire vraie :
Le Jour où Dieu est parti en voyage n'est pas une reconstitution du génocide, mais s'inspire d'une histoire vraie. "En avril 1994, des amis ont été rapatriés du Rwanda dans l'urgence totale comme tous les coopérants étrangers, explique Philippe Van Leeuw. A leur départ, ils ont caché la nourrice rwandaise de leurs enfants, Jacqueline, dans le plafond de leur maison de Kigali en espérant qu'elle échappe ainsi au massacre. Ils n'ont jamais su ce qu'elle est devenue. Je reste habité par ce témoignage et par le fait que personne ne sait si Jacqueline a survécu. Si j'ai choisi de relater son drame personnel à l'intérieur de la tragédie du génocide rwandais, c'est parce qu'il me permet d'imaginer qu'elle est peut-être encore vivante."
Un peu d'histoire :
Le génocide des Tutsi au Rwanda se déroule du 7 avril au 17 juillet 1994. Ce génocide s'inscrit historiquement dans un projet génocidaire latent depuis plusieurs décennies, à travers plusieurs phases de massacres de masse, et stratégiquement dans le refus du noyau dur de l'État rwandais de réintégrer les exilés tutsi, objet de la guerre civile rwandaise de 1990-1993. Cette guerre, débutée en 1990, opposait le gouvernement rwandais constitué de Hutu soutenu par la France par l'opération Noroît, au Front patriotique rwandais (FPR), accusé par les autorités de vouloir imposer, par la prise du pouvoir, le retour des Tutsi exilés dans leur pays. Les accords d'Arusha, signés en août 1993, qui prévoyaient cette réintégration afin de mettre fin à la guerre, n'étaient encore que partiellement mis en œuvre à cause de la résistance du noyau dur du régime Habyarimana. L'assassinat du président rwandais le 6 avril 1994 déclenche le génocide des Tutsis par les extrémistes Hutu.
L'ONU estime qu'environ 800 000 Rwandais, en majorité tutsi, ont perdu la vie durant ces trois mois. Ceux qui parmi les Hutus se sont montrés solidaires des Tutsi ont été tués comme traîtres à la cause hutu. D'une durée de cent jours, ce fut le génocide le plus rapide de l'histoire et celui de plus grande ampleur quant au nombre de morts par jour. Il convient de souligner qu'un génocide n'est pas qualifié comme tel en raison du nombre de morts, mais sur une analyse juridique de critères définis à l'époque par la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948 de l'ONU.