Film en N & B.

Un peu d'histoire :

Pendant la guerre froide, Le Sel de la Terre (1954) fut l'un des rares films américains à être distribué de l'autre côté du rideau de fer. Et pour cause. Cette chronique semi-documentaire d'une grève de mineurs au Nouveau-Mexique, financée par un syndicat, était l'oeuvre d'artistes persécutés aux Etats-Unis pour leurs sympathies communistes. Le réalisateur, Herbert Biberman, fut l'un des « Dix de Hollywood » emprisonnés en 1950 pour avoir refusé de répondre à la commission d'enquête parlementaire sur les activités anti-américaines. Le producteur Paul Jarrico, le scénariste Michael Wilson et le compositeur Sol Kaplan figuraient sur la liste noire. Le tournage, délocalisé à deux reprises après des menaces de mort, fut espionné par le FBI et seules douze salles acceptèrent de projeter le film sur l'ensemble des Etats-Unis. Dire de ce film qu'il est « engagé » est une litote. Au générique, un carton détourne les paroles de l'hymne américain : les « hommes libres », les « braves » sont ici les mineurs mexicains qui se battent pour le progrès social. A la dénonciation du capitalisme et du racisme s'ajoute un plaidoyer féministe : les épouses des grévistes doivent lutter à parts égales avec leurs maris. Les gros plans sur les travailleurs en colère, le parallèle entre le héros frappé au ventre par le shérif et sa femme qui accouche sont dignes du cinéma d'Eisen-stein. Ne pas réduire, pour autant, le film à sa véhémence politique. La mise en scène n'a pas vieilli. La gravité du propos est nuancée par de surprenantes parenthèses humoristiques : le discours révolutionnaire y gagne un supplément de vie.